L’installation d’un nouveau shaft, d’un nouveau coupling, et en bonus, d’un coupling flexible

Un projet simple sur un voilier, cela n’existe pas !

Sur Nuage, le shaft (l’arbre d’hélice), c’est pas mal un « running gag ». C’est à se demander si un jour nous allons pouvoir un jour travailler sur autre chose…

Et pour ceux qui se demandent ce qu’est le shaft (des fois que…), voici une image simple pour vous y retrouver.

À l’intérieur, l’arbre d’hélice est normalement relié à la transmission ainsi :

La genèse

Nous nous sommes procuré Nuage en 2016, et nous sommes partis vers notre grand voyage vers le Sud en 2018. Avant notre grand départ, voyant que le shaft et le coupling démontraient des signes de fatigue, nous prenons la décision de tout changer. Pour ce faire, nous allons dans une shop pour les pièces de ce type au Québec, et nous nous achetons un nouveau shaft et un nouveau coupling à l’image de celui qui était sur le bateau déjà. Et, nous avons fait installer le tout sur Nuage par le mécanicien de notre marina au lac Champlain (jonction shaft + coupling #1). Également, nous avions des inquiétudes quant à l’alignement du moteur, donc nous avons fait venir un mécano du lac recommandé par beaucoup de gens pour venir voir l’alignement, et les supports de moteur. Celui-ci regarde notre coupling et notre shaft, et nous informe que ce n’est pas super bien installé, et que le coupling aurait dû être machiné pour bien s’accoupler avec la transmission. Il part avec le coupling et revient avec celui-ci et nous le réinstalle (jonction shaft + coupling #2) .

En cours de voyage, en Caroline du Nord, un pépin de fond sablonneux nous arrive : nous rentrons dans un banc de sable. Les manœuvres pour sortir de notre impasse nous amènent un problème pas pire, le shaft a décidé de sortir du coupling. Nous nous retrouvons donc dans un « yard », où nous faisons réparer le tout. Le diagnostic du moment nous porte à croire que :

  • Le petit trou dans le shaft qui reçoit la « bolt » transversale n’est pas assez profond pour retenir le shaft.
  • Également, la clé qui bloque le tout est pas mal maganée.
  • Finalement, le moteur pourrait être mal aligné (peut-être une job de supports de moteur?)

Le mécanicien nous conseille fortement de sortir le bateau, mais nous sommes frileux (les factures montent vite lorsque l’on suit les recommandations des mécaniciens de marina…), donc nous refusons la sortie de l’eau. Donc, pour réparer la chose, le mécanicien perce un peu plus le trou du shaft. De notre côté, question de nous protéger un peu, nous en profitons pour acheter de la clé supplémentaire, celle-ci est en laiton. Et le tout est remis et serré à fond (jonction shaft + coupling #3).

Quelques miles plus loin (96 miles), toujours en Caroline du Nord, lors d’une vérification de routine hebdomadaire, Dominic découvre que le shaft est encore en train de sortir du coupling, et que la clé se décompose. On trouve un nouveau mécanicien, qui vient refaire le boulot de réinstaller le shaft. Celui-ci nous conseille également de sortir le bateau de l’eau, mais nous ne sommes pas dans un super secteur, c’est la période de la Thanksgiving, et il commence à faire froid. Nous préférons donc y aller pour une réparation temporaire afin de nous rendre au chaud en Floride pour possiblement le réparer là. Le diagnostic :

  • Le petit trou dans le shaft encore est trop petit.
  • Le coupling n’a pas été machiné pour s’accoupler avec la transmission.
  • Le chemin de clé du coupling est grugé et n’est plus efficace.
  • Le moteur pourrait être mal aligné (peut-être une job de supports de moteur?).
Le coupling installé avant notre départ

Les solutions du moment sont : on ressort l’ancien coupling que nous avions gardé sur le voilier (leçon ici : garder le maximum de pièce de remplacement, même si ce sont des vieilles), on perce le trou dans le shaft un peu plus profond, on met une nouvelle clé (par chance, nous en avions acheté en réserve), et on serre le tout très très serré (jonction shaft + coupling #4).

Cette réparation nous aura permis finalement de pratiquement faire tout le voyage. Effectivement, ce n’est que vers la fin du voyage, sur le chemin du retour, 1 285 miles plus loin, à Chub Cay, aux Bahamas, que le shaft est ressorti pour une autre fois. Quelques jours plus tôt, Dominic avait constaté que la clé avait recommencé à se détériorer à la suite d’une trop grande utilisation de la marche arrière lors d’un coup de vent, ce n’était qu’une question de temps pour que le shaft lâche à nouveau. Ce n’était pas le meilleur endroit pour une avarie… Mais, nous étions bien entourés, et avec l’aide d’amis voileux, nous remis le shaft à sa place (jonction shaft + coupling #5), et avons réussi à rejoindre la Floride, avec l’obligation de ne pas utiliser la marche arrière jusqu’à l’arrivée à notre marina.

La réparation « officielle » (on croise les doigts)

Après 5 réparations, pas le choix, il fallait repartir encore. Nous avons espéré sauver le shaft, mais cela n’a pas été possible. Voici donc ce que nous avons fait :

  1. Nous avons d’abord compilé tout ce que nous savions sur le sujet après nos nombreuses discussions avec les mécaniciens, les autres voileux et les recherches sur le web.

  2. Notre constat : Nous avons besoin d’un shaft, qui va être usiné de manière à correspondre au coupling (à voir si on répare l’actuel, ou si un nouveau est nécessaire). On devrait peut-être considérer un split coupling. Aligner le moteur avec des nouveaux supports serait également une bonne idée.

  3. Question de mener à terme notre projet dans le secteur où Nuage est (Indiantown), nous lançons une perche dans notre groupe Facebook préféré de mécanos diesel : Recreational Marine Diesel Engine Maintenance & Repair Discussion Group. Et là, nous récupérons plein de renseignements. Dont le fait que le souci que nous avons est courant avec notre moteur, un Yanmar 2QM20H, en raison du fait qu’il vibre particulièrement beaucoup, et qu’une solution possible pour compenser la vibration est le coupling flexible, un genre de « bumber » en plastique qui compense la vibration du moteur.

  4. Après avoir tout compilé, nous nous sommes rendus chez Blair Propeller à Stuart avec notre projet bien précis :
    1. Faire réusiner le shaft si possible (ou en acheter nouveau);
    2. Se procurer un split coupling;
    3. Considérer avec eux un coupling flexible.

  5. Le diagnostic avec Blair Propeller : le shaft n’est pas récupérable (et est particulièrement abîmé pour son âge), donc on doit en faire un nouveau, et on y va avec un split coupling (exemple), et un coupling flexible (exemple). Petit détail, il nous informe également que la clé doit être en stainless comme le shaft (ce qui n’était pas le cas avant), contrairement à celle de l’hélice qui doit être en laiton comme l’hélice (plus flexible en cas de coup). On passe la commande, et 2 jours plus tard, nous avons nos nouvelles pièces.

    Évidemment, avant qu’il ne nous fasse notre commande, nous prenons le temps de lui raconter toutes nos péripéties (et lui mentionner que nous sommes échaudés – nous sommes rendus à combien de pros déjà…?), et lui demandons d’être particulièrement attentif à :
    1. Le travail de facing entre les pièces (l’ajustement)
    2. Le trou dans le shaft pour le boulon doit être plus profond.

Le tout assemblé devrait donner à peu près ça :

  • On tente une première installation avec un ami voileux… Et là, il y a un truc que nous n’aimons pas : la clé est un peu trop libre à notre goût en hauteur, ce qui la fait bouger un peu. Nous ne sommes pas satisfaits. On veut une nouvelle clé. Pour ce faire, plutôt que de retourner chez Blair, nous décidons de nous rendre chez un machiniste recommandé par un voisin dans la cour à bateaux : Matt (contactez-nous pour ses coordonnées). Celui-ci nous propose une solution alternative : soit percer un trou supplémentaire dans le coupling afin d’y faire passer un boulon qui bloquera la clé, il semblerait que cette pratique est courante. Ok. Mais comme nous sommes insécures, nous lui avons demandé 2 trous. Pour mettre 2 boulons supplémentaires. Il trouve que c’est inutile, mais comprend notre insécurité et nous le fait.
  • On tente une deuxième installation avec l’ami voileux. Un autre souci se présente : les têtes des bolts du coupling sont trop grosses, et 2 d’entre-elles ne passent pas. La solution : on lime les têtes jusqu’à ce qu’elles passent. Sérieux, pas simple installer tout ça !
  • Finalement, on y arrive enfin ! Tout est installé (jonction shaft + coupling #6 !). Voici le résultat : 

Donc, si on résume, voici ce que nous avons fait :

  1. Nous avons tout acheté au même endroit : shaft, coupling, coupling flexible afin de s’assurer que tout s’accouple bien.
  2. Nous avons choisi un split coupling plutôt qu’un coupling classique.
  3. Nous avons fait faire des trous plus profonds dans le shaft pour les boulons transversaux du split coupling.
  4. Nous avons ajouté des boulons supplémentaires dans le split coupling pour bien tenir la clé.
  5. Nous avons installé une clé en stainless comme le shaft.
  6. Nous avons ajouté un coupling flexible entre le split coupling et la transmission.

Pour faire un travail complet, nous sommes conscients que nous devrions changer les supports de moteur et faire aligner de nouveau le moteur. Considérant le fait que le 2QM20H est un moteur qui vibre énormément, nous devrions également faire nettoyer les injecteurs. Cependant, la réalité étant ce qu’elle est, chacun son portefeuille, et un moment donné, il faut aller naviguer, sinon, on passe sa vie dans une cour à bateaux 😉.

Nous n’avons que quelques miles de faits… Pour l’instant, tout semble beau. On s’en reparle dans 1 000 miles !